Comment courir un marathon en 2h25 ?

Albert Vandensavel et Julien Dethier, voici deux athlètes qui ne se connaissent pas mais qui ont pourtant un point en commun. En effet, au moins une fois dans leur vie, ils ont réalisé l'exploit de courir un marathon (42,195 kilomètres) en plus ou moins 2h25. C'est en 1983, lors du championnat de Belgique organisé à Gand, qu'Albert Vandensavel réalisa ce chrono fantastique de 2h25'17". À une époque où les meilleurs coureurs du monde remportaient un marathon en 2h08', il s'agissait là d'une splendide performance du Waremmien. Quant à Julien Dethier, c'était plus récemment, le 21 octobre 2018 au Marathon d'Amsterdam, qu'il franchissait la ligne d'arrivée en 2h26'57". Cela fait une différence de seulement deux secondes au kilomètre entre les deux gaillards. Par contre, trente-huit années séparent les deux hommes et nous nous posons aujourd'hui une seule et unique question : Durant ce laps de temps, si le matériel mis à disposition des athlètes a considérablement changé, les méthodes d'entraînement des marathoniens ont-elles évolué ? Pour répondre à cette question, nous les avons interrogé. 

Albert marathon 2

[ COMMENT S'ENTRAÎNER ? ]

  • Julien Dethier : « Pour être franc, plus on avance dans le temps, plus mes saisons sont chargées. J'ai couru un total de 4814 kilomètres en 2018, 4896 en 2019 et cette année, ces chiffres sont d'ores et déjà pulvérisés. À l'approche du marathon d'Amsterdam, mon kilométrage a augmenté progressivement au fil des semaines. Au début, le kilométrage restait fort similaire et ce sont les entraînements qui changeaient. Ensuite, les entraînements spécifiques grandissaient. Mon max était de 150km/sem. Une réflexion m'est venue lors de ma première prépa marathon et je l'ai toujours trouvée assez juste : en prépa marathon, tu seras rarement ultra content de ton entraînement. Exemple très récent, j'ai couru 12 x 1000m à 18km/h (3'20"). Personnellement, 3'20", c'est une allure très facile pour des 1000m. Du coup, en rentrant, tu regardes tes temps et tu ne peux pas te dire que ton entraînement est ouf car tu as déjà couru beaucoup plus vite. Sauf qu'il y a tout ce qui est autour. Les récup plus courtes, le nombre de répétitions nettement plus élevé et la fatigue accumulée! Je ne fais presque plus des journées calmes, style courir 8 à 10km à 12km/h. Si la journée me permet de courir calmement, j'aurais quand même fait une vingtaine de bornes. La fatigue sera donc présente d'une autre façon... En ce qui concerne la semaine la plus chargée que j'appelle "ultimate" car je ne sais jamais comment je vais en venir à bout, c'est la semaine qui se termine à J-14. Outre cette semaine, il y a aussi typiquement une course "test", à 1 mois de l'échéance. »
  • Albert Vandensavel : « Tout d’abord, il ne faut pas opposer les performances et entrainements d’avant avec ceux d'aujourd'hui. Dans chacun des cas, on s’entraine et on performe en fonction des outils que l’on a autour de soi. C’est sûr qu’il y a 30 ans, on ne disposait pas des mêmes outils qu’actuellement mais ce qui motivait, c’était les performances de nos athlètes sur le plan international. A chaque jeux olympiques, des belges allaient chercher des médailles en athlétisme. Il y a 36 ans, on était plus proche de la préhistoire de la course à pied. VMA connaissait pas, on courait au feeling, pas de satellite ni de montre avec prise de pulses, uniquement un chrono. Pour ma part, je courais environ 6000 kilomètres par an. Mon mentor en course à pied était Edgar Salvé que j’ai rencontré en 75 à l’université de Liège quand il était entraineur au RCAE cercle sportif des étudiants. Depuis cette époque, chaque quinzaine, il me faisait un plan d’entrainement. D’abord sur demi-fond et puis sur plus longue distance. En prépa marathon, ça variait de 130 à 160km par semaine avec au moins deux fractionnés souvent le mardi et le jeudi. Les séances étaient variées, 30 x 200m en 34", 2 x 5000m en 17', 3 x 3000m progressifs etc. Sans oublier quelques courses dont un semi-marathon. »

[ DES SÉANCES DE MUSCULATION, DE NATATION, DE VÉLO ? ]

  • Julien Dethier : « Ces 2 dernières années, je n'en ai presque plus fait. Mais sinon, en saison creuse et plus globalement en hiver, j'allais à la salle de muscu de mon club 1x/semaine. Donc ce n'était pas du tout pendant la prépa. Quand la prépa commence, le corps doit pouvoir être tourné uniquement sur le spécifique : courir. La natation, c'est non. Le vélo et la muscu sont des alternatives en cas de douleurs ou lors de préparations physiques plus générales. »
  • Albert Vandensavel : « Pas de compléments d’entrainement en natation, je ne sais pas nager. Ni en vélo, ni de muscu. »

[ FAUT-IL ÊTRE SUIVI PAR UN KINÉ ? FAIRE DE LA CRYO ? ]

  • Julien Dethier : « J'espère que non car à mon niveau rien de tout cela n'est donné et cela aurait donc été un sacré coût. J'ai un compex chez moi mais j'avoue l'utiliser fort peu. »
  • Albert Vandensavel : « Pas de kiné, seulement un ostéo de temps à autre. Comme j’ai une jambe plus courte que l’autre, le bassin se mettait de travers donc une à deux fois par an, je passais chez l’ostéopathe. »

Ju dethier marathon amsterdam

[ UN RÉGIME ALIMENTAIRE STRICTE ? ]

  • Julien Dethier : « J'ai déjà consulté plusieurs fois Damien Pauquet. Il m'a donné les grandes règles, les grands principes et ce que je pouvais ou non me permettre selon mon profil personnel. Donc j'ai un cadre dans lequel je navigue assez librement depuis lors. Je n'ai pas besoin de plus car je me discipline très fort sur ce que je mange : pas trop gras, pas trop calorique, un minimum de craquages. Par contre, niveau quantité, je mange énormément. Je ne me limite presque pas et j'aurais bien du mal. Et puis au final, il faut s'assurer d'avoir suffisamment de carburant. La dernière semaine avant le marathon, je suis un grand adepte du régime scandinave... »
  • Albert Vandensavel : « Régime alimentaire normal, pas de nutritionniste, pas de compléments alimentaires, pas de régime spécifique, pas de gels... Ce n'était pas du tout ma tasse de thé. »

[ QUELS REPAS LA VEILLE ET LE JOUR J ? ]

  • Julien Dethier : « Le jour avant, comme déjà les jours précédents, je veille à privilégier le sucre, à éviter les aliments riches en fibres qui pourraient poser des problèmes le jour J, et le lactose que je ne digère pas bien. La veille au soir, classique plat de pâtes. Mais pas celui qui fait rêver, ou celui de la pasta party. C'est assez sec avec juste de l'huile d'olive et du saumon/thon. Le matin-même, je suis très conservateur et ne consomme pas les gatosport et tutti quanti. Je me tiens à mes traditionnelles tranches de pain grillé, suivies de petits beurres selon la faim. Comme garniture, encore une fois, du sucre et des produits maigres/légers. »
  • Albert Vandensavel : « Le jour de la course je mangeais deux tartines avec de la confiture deux heures avant la compet. »

[ QUE FAIRE LA VEILLE ? ]

  • Julien Dethier : « Repos repos repos. J'ai tendance à faire un footing de plus en plus léger à J-1. J'ai l'impression que ça me convient mieux. Mais ceci est très personnel. Stresser, je ne sais pas si c'est le bon mot. Il y a d'ores et déjà de la concentration car c'est dur de penser à autre chose. De la tension même. Mais le stress a une signification trop négative par rapport à mon ressenti. »
  • Albert Vandensavel : « La journée précédent la compet, repos évidemment et après, avec les copains de Waremme, on allait se faire une bouffe ensemble au resto et décompresser avec un bon verre ou deux... »

[ QUELLES CHAUSSURES ? ]

  • Julien Dethier : « J'ai couru en Saucony Fastwitch. L'année suivante, j'ai couru avec les Saucony Kinvara. Un modèle un peu moins agressif que la fastwitch, que je conseillerais très facilement à tout marathonien ! Ce sont des chaussures de compétition qui offrent un super confort ! La Fastwitch comme la Kinvara ont un drop de 4 (qui entraîne une foulée plus naturelle, médio-pied). Un drop classique pour des chaussures légères. Concernant la nouveauté de ces chaussures le jour J, je conseille grandement d'avoir une paire déjà utilisée, mais récente ! Ayez couru une centaine de kilomètres avec. Votre pied connait ainsi la chaussure, qui n'a encore rien perdu de ses qualités. Je ne suis pas un adepte des chaussures minimalistes, pour les contraintes musculaires et les chocs qu'elles impliquent. Des chaussures avec un drop de 0 sur marathon...c'est audacieux, bonne chance à vos mollets ! »
  • Albert Vandensavel : « Quant aux chaussures, je courrais à ce moment-là avec des Nike Air. En 83 est sortie la Nike Pégasus et c’est avec cette paire que j’ai couru à Echternach (2h27'12" en 1984). Il est bien évident que je les avais testées, à l’entrainement, avant de me lancer sur une compet de 42 kilomètres. »

Albert marathon

[ COMMENT ET QUAND SE RAVITAILLER POUR REPOUSSER LE COUP DE MOU ? ]

  • Julien Dethier : « Lors de mes 2 marathons, j'ai eu la chance d'avoir mon frère et ma mère avec moi. Ils m'ont grandement facilité les ravitaillements. Chaque fois, j'ai combiné les boissons isotoniques et les gels. J'aspire à pouvoir dans le futur ne me ravitailler que par des apports liquides. Tous les 5kms, cela me semble une bonne fréquence. Il revient à chacun de voir les quantités qu'il peut ou doit boire. Mon allure marathon est une allure déjà assez intensive pour moi. Manger quelque chose de solide comme une barre énergétique et devoir mâcher me semble beaucoup trop dur. »
  • Albert Vandensavel : « Les gels et les barres n’existaient pas ou alors je n’en avais pas entendu parler, je suçais un pastille de fructose et je m’hydratais tous les 5 kilomètres en eau. Pour éviter une trop grande sudation, j’avalais une pastille de sel. »

[ ET APRÈS LE MARATHON ? ]

  • Julien Dethier : « Toute la fatigue tombe sur soi d'un coup. Le corps se relâche et on ressent toutes des douleurs qu'on ne ressentait pas dans le feu de l'action. Donc c'est difficile mais on sait encore marcher. Le pire est quelques heures plus tard et à fortiori le lendemain et le surlendemain où le corps s'est totalement refroidi et...se venge (rire...). Après un marathon, plus aucun objectif proche n'attend. Donc, je me fais plaisir autant que je veux. En quantité...mais aussi en qualité ! L'an passé, j'avais voulu aller dans un restaurant buffet à volonté. Dans ces cas, il faut juste espérer que personne ne compte votre nombre d'allers-retours... »
  • Albert Vandensavel : « Je n’étais pas vraiment cassé. Je savais encore marcher voire courir. Fatigué mais pas épuisé. La fatigue était profonde et il fallait quand même deux à trois semaines pour récupérer. »

[ EN BREF ]

Albert Vandensavel Julien Dethier
Quel record sur marathon ? 2h25'17" 2h26'57"
Combien de kilomètres l'année du record sur marathon ? 6000 4814
Plus grosse semaine ? 160KM 150KM
De la muscu, natation et/ou du vélo en plus ? NON NON
Un régime alimentaire ? Des compléments ? NON NON
Kiné ? Ostéopathe ? Cryothérapie ? NON NON
Comment s'occuper la veille ? REPOS REPOS
Quel repas le jour J ? PAIN, GARNITURE SUCRÉE PAIN, GARNITURE SUCRÉE
Quelles chaussures ? NIKE AIR SAUCONY FASTWITCH
Quand se ravitailler ? TOUS LES 5KM TOUS LES 5KM

 

Date de dernière mise à jour : 04/12/2020

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